L'HaRiCoTiSTa

 

    1492, Louis Reutrier, un petit paysan pas trop riche pas trop pauvre, cultive des radis dans son jardin. Sa fille, Marion, est en train de faire la cours au neveu du seigneur du comté de Poiversac, le duc Mourtie, en pleine campagne d'Aquitaine. Sa femme, Noelle, allaite leur dernier né, le petit Justin. Il est en train de retirer les mauvaises herbes afin que les radis poussent avec expansion et joyeuseté.

   Soudain, sur le chemin du village, il entend du vacarme, plusieurs cavaliers et plusieurs chariotes, criant à tue-tête la découverte d'un nouveau monde. Un nouveau monde, dans lequel peut-être les paysans n'allaient pas être pauvres, Louis tendit l'oreille. Il entendit parler d'un homme Cristobal Colomb qui aurait découvert l'Inde en passant par l'Atlantique, Louis avait vu l'Atlantique quand il était jeune, il lui semblait alors impossible de le traverser cet océan, et pourtant ce fut fait.

   Louis comprit aussi qu'un marin ayant participé à cette expédition était de Landzac, un village de la côte, un village proche de la ferme de Louis. Pour le moment le marin était en Espagne, mais il allait revenir, avec plusieurs présents pour le duc Mourtie, grand donateur de cette expédition. Louis était fasciné par cette découverte et il se remit à cultiver un radis. Justin mordit le téton de Noelle, la grande vie de l'haricot commençait.

 

   1497, Johann Huilbertier revint de Séville en septembre. Il avait beaucoup voyagé, était retourné vers ce soi-disant nouveau monde deux fois, et avait survécu, ce qui était assez rare pour qu'il soit reçu à Landzac par le duc Mourtie en personne. Un festin s'organisa alors. Louis fut invité, non pas qu'il cultivait bien le radis, mais sa fille Marion, qui était belle contrairement à sa mère, avait réussi sa séduction du neveu du duc ... qui n'était pas une lumière il faut l'avouer, mais ceci n'importe que peu dans l'histoire.

   Louis entrait dans la salle de bal, et portait un habit propre et plutôt pas ridicule, on lui avait prêté pour l'occasion. Johann était en train de caresser deux demoiselles sur le balcon, Louis remarqua qu'il lui manquait deux doigts dans une main, et que ses dents ... euuh ... en fait il n'avait plus de dent. Malgré ces défauts physiques assez conséquents, Louis remarqua avec aigreur que le succès apportait en plus de l'honneur du festin, la possibilité de caresser deux demoiselles en même temps, Louis, qui parfois portait des jugements sans trop de louange sur Noelle, avait compris, il voulait devenir célèbre. Mais bon, manque de bol, il était incapable.

   Le festin se déroulait bien, Louis ne connaissait personne et ne comprenait pas les allocutions des gens autour de lui, d'ailleurs il lui semblait que Johann ne comprenait pas grand chose non plus. Marion (sa fille si personne ne suit) qui était aussi invitée à ce festin, était partie à l'étage, suivie de près par le duc Poitrie, le frère du duc de Moutrie, il y a près d'une heure, laissant le pauvre neveu seul à table, enfin seul ... accompagné de deux prétendantes. Louis était content, Marion avait une place en or dans la seigneurie maintenant. Le duc Poitrie revint, fatigué, et Marion arriva, toujours aussi belle ... Louis s'ennuyait encore.

 

   Il était proche de 23 heures lorsque Johann prit la parole, la salle faisait silence, tous ceux venus pour l'orgie étaient à l'étage, d'ailleurs Louis ne remarquait plus Marion. Johann commençait de parler du périple qu'ils avaient fait sur les bateaux, il était sur la Pinta, il y avait un curé qui buvait comme vache qui pisse, il y avait des marins qui avaient des relations entre eux, mais malheureux celui qui se faisait prendre, il passait par dessus le bord du bateau. La seigneurie ria. Louis ne ria pas, il dormait presque, il s'était levé à quatre heures le matin, c'était l'époque de la cueillette des ciboulettes, une de ses grandes spécialités, il en avait besoin pour nourrir Justin et Noelle, puisque Marion n'habitait plus à la maison.

   Ensuite, Johann parla des indigènes qu'ils avaient rencontré, des gens à la peau colorisée, la seigneurie eut peur, le curé se signa de sa croix. Des personnes qui vivaient dans des huttes en bois, cri de stupeur dans l'assemblée, des personnes qui n'avaient pas de dieu, le curé fit une moue, des personnes qui vivaient nus, horreur dans les yeux du duc. Des personnes qui ne tuaient pas les animaux de la forêt. C'en était trop, Une épée passa sous la gorge de Johann, on lui recommanda de ne plus dire de mensonges s'il voulait encore vivre. Johann changea de sujet. Louis s'en moquait éperdument, il matait une prétendante du neveu, qui s'était faite ignorée une heure plus tôt. Elle s'ennuyait aussi. Ils échangèrent des regards, il passa sa langue contre ses lèvres, elle lui fit un clin d'oeil, il y allait y avoir du sport s'ils montaient à l'étage.

   Mais heureusement pour la demoiselle, Johann raconta que ces indigènes avaient aussi des cultures. Louis eut l'ouie (jeu de mot facile j'avoue) précise, et écouta le récit de Johann. Il disait que ces indigènes cultivaient des légumes que l'on ne connaissait pas ici en Europe. On quémanda de goûter à ces nouveaux légumes. Les yeux de Johann luirent, il en avait apporté. Ces légumes s'appelaient là-bas ayacotl, dit-il. Le duc essaya de répéter, "KaKatole", mais Johann reprit : "Ayacotl". S'en suivit une discussion impressionnante de longueur dans laquelle nous pouvons donner quelques noms (que l'on va associer à des couleurs) : Louis Reutrier, notre héros de l'histoire, le duc Mourtie, l'hôte, le duc Poitrie, celui qui a connu l'honneur de Marion, frère de Mourtie, Johann Huilbertier, le navigateur, Hubert Loutron, un riche commerçant, Pierre Tallires, le bras droit du duc, Anne Joubertin, qui s'occupait de la bourse au château, et Berangere Moitirelles, la prétendante qui a failli partir à l'étage avec Louis. Les gens intelligents étaient déjà partis, ou se trouvaient à l'étage pour l'orgie, il ne restait plus que les épaves. Voici la discussion transmise de génération en génération :

On reprend d'abord le début de la discussion :

"Kakatole", essaya le duc Mourtie.

"Ayacotl", corrigea Johann.

"Acataya", s'essaya en pouffant Anne.

"Mais non, ma pauvre, Acayalt", fit Hubert en embrassant langoureusement le bras d'Anne.

"Aya Aya Aya Yeeeehaaa", fit Pierre, dont on se questionnait sur la santé mentale.

"Ouiii, ça commence par Aya", commença à se réjouir Johann.

"Oui par Ara", dit le duc Mourtie.

"Non par Aya", essaya d'interrompre Louis, qui voulait impressionner Berangere.

"Oui c'est ce que je dis, par Ara", dit le duc Mourtie, qui selon toute vraisemblance, rorotait.

"N'interrompez point mon frère, gueux", prévint le duc Poitrie à Louis.

"Ayalote alors, j'ai bon ?", demanda Hubert.

"Ayacotl plutôt", renchérit Johann.

"Aya Aya Aya Yeeeeehaa", refit Pierre.

"Calmez vous", essaya Anne.

"Calmévou, c'est un doux nom pour un légume", blagua Pierre.

"Vous êtes un légume", rétorqua Anne.

"J'aimerai être votre courgette, ma chère", lança Pierre.

"huhu", rougit Anne.

"Ayaco", essaya encore Hubert.

"Oui, c'est ça, Araco", rorota le duc Mourtie.

"Mais non ayaco", insista Hubert.

"Tu vas te taire !! Espèce de bourricot !!", hurla férocement le duc Poitrie.

"Araco, Bourricot, ça se ressemble", rétorqua joyeusement Pierre.

"hihi", fit Berangere.

"Araco, Bourricot, Arouco, Barricot, , Abricot, Arico, ...", lança Pierre.

"ARICO", gueula fièrement le duc Mourtie, qui vit des regards se lever émerveillés vers lui ...

"mais non, c'est ayac...", commença Johann, avant qu'une épée vienne se loger proche de son cou.

"Tu disais quoi, gueux ?", demanda le duc Poitrie, qui tenait l'épée.

"humm oui c'est ça arico", se rectifia Johann.

"On a trouvé !!", cria Anne, qui se jeta d'émotion dans les bras de Pierre.

"youpeeeee", lança Berangere, qui s'lança dans les bras de Louis (notre héros).

"De la gnole pour tous, je veux !!", commanda le duc Mourtie.

Ils burent alors.

 

   L'orthographe française permit ensuite de changer l'orthographe de ce mot pour en faire HaricoT, mais ceci ne sera conté dans cette histoire. Ils burent, Louis alla à l'étage avec Berangere, et ils partagèrent le lit avec un autre couple, et même s'échangèrent. Comme le hasard n'est jamais absurde dans les sites, on peut inventer que sa fille était dans le couple voisin, et que Louis, cette nuit là, fit l'amour à Marion, sa fille. Pendant ce temps là, Noelle cajolait Justin, qui cauchemardait en cette belle nuit de septembre.

   C'est peut être l'inceste qui donne de la chance, mais Louis vola les graines des Aricos que Johann avait dans son sac, cet acte provoqua un assassinat, puisque le duc Mourtie fit pendre le pauvre marin, pourtant rescapé des voyages, comme fautif dans la perte de ces graines si précieuses. Louis rigolait dans sa barbe, bien qu'il n'en avait point. Il cultiva les Aricos comme il cultive les radis, il essaya plusieurs façons et trouva la bonne. Il savait que le duc recherchait partout ces graines. Son champ d'Aricos ressemblait à nos contemporains champs de cannabis, de petits plants à l'abris des regards indiscrets.

   Noelle et lui firent de Justin le premier consommateur d'aricos, il adora, il avait du goût ce petit finalement (il avait mordu le téton de sa mère ne l'oublions pas, ça pouvait faire penser le contraire). Il grandit bien et devint un beau jeune homme. Mais il ne put rien faire lorsque, 12 ans plus tard en 1509, parti étudier à Bordeaux, le champ de son père fut découvert par Pierre Tallires, qui en informa le duc de Mourtie, qui était alors au lit avec la femme de son neveu (Marion, la fille de Louis, si vous n'aviez pas suivi). Louis Reutrier fut pendu, on lui jeta les haricots de son jardin qui pourrirent sous la corde.

   On aurait pu croire à la fin des haricots. Mais non !! Apprenant la nouvelle, Justin, qui avait apporté des graines à Bordeaux, planta ses graines dans son petit jardin. Il n'avait jamais fait ça, et les pousses ne poussèrent pas ... sauf une ... une seule, qui résista au dur hiver, et aux pisses du chien qui venait se soulager dans le jardin. Justin avait compris, ce légume était son destin. Il acheta ce jardin, et interdit une fois pour toutes l'accès aux chiens. Les récoltes se firent importantes, il en avait assez pour lui, assez pour sa mère, qui était en manque. Et surtout, il en avait aussi assez pour d'autres personnes.

   Il arrêta les études et se mit au commerce de l'Arico. Un jour, un parisien en vacances dans les landes, trouva le gout du légume qui accompagnait sa perdrix plutôt exquis, il se renseigna et alla voir Justin. Trouvant l'organisation de la culture des aricos, il proposa à Justin un contrat pour lui laisser les graines .. Justin accepta et retourna près de sa mère. Il y mourut, écrasé par un convoi de diligences. Sa mère s'intéressa au duc Mourtie, qui venait de perdre sa femme et sa vue en même temps. Malgré Pierre Tallires, qui essaya de le dissuader, le duc Mourtie se mit en ménage avec Noelle. Elle termina sa vie comme sa fille, et coucha même un soir par inadvertance avec elle, et elles moururent ensemble dans l'incendie qui ravagea l'auberge dans laquelle elles partageaient le lit et le plaisir (sans le savoir).

   Leon Géhanver, le parisien, cultiva à grande échelle l'arico, et le fit se développer, jusqu'à que toute la terre consomme de son légume. Rien ne résista à l'invasion de l'arico, que l'on écrira dorénavant haricot ... Rien !!

 

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